Le Verrou

Jean-Honoré Fragonard

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Mot clé de l'oeuvre: Verrou

Présentation générale sur les oeuvres

Le Verrou
Artiste Jean-Honoré Fragonard
Date entre 1774 et 1778
Type Peinture
Technique   Huile sur toile
Dimensions (H × L) 73 × 93 cm
Format figure
Mouvement RococoVoir et modifier les données sur Wikidata
Localisation Musée du Louvre (Sully, 2e étage), Paris (France)


En pendant à L'Adoration des bergers, l'artiste, "par un contraste bizarre" fit un tableau "libre et plein de passion" (Lenoir, 1816). Sont ainsi opposés l'Amour sacré et l'Amour profane. Avec son faire porcelainé, l'oeuvre illustre l'évolution du peintre après son second voyage d'Italie achevé en 1774.
Le Verrou et son pendant, L'Adoration des bergers
La composition du Verrou  apparut pour la première fois dans un dessin de Fragonard passé en vente en 1777 et fut popularisée par la gravure réalisée en 1784 par Blot. Le tableau acquis par le Louvre en 1974, se situe donc entre ces deux dates. Fragonard l’exécuta pour le marquis de Véri, qui souhaitait un pendant à L’Adoration des bergers (RF 1988-11), mais les deux oeuvres furent séparées dès la vente après décès (1785) et ce jusqu’en 1988, date à laquelle L’Adoration fut offerte au musée du Louvre. Les deux tableaux n’ont de commun que leur format et leur gamme colorée, mais l’étrange contraste qu’ils produisent ne se résume pas à une fantaisie de peintre ...
Un sens caché ?
A première vue, Le Verrou  représente une scène galante comme Fragonard en a tant peint : une femme qui résiste faiblement aux ardeurs amoureuses de son amant. Mais à y regarder de plus près, certains détails intriguent. En effet, si l’homme verrouille la porte, pourquoi la chambre est-elle déjà dans un désordre « qui indique le reste du sujet » ? Dans ce contexte, certains objets dévoilent leur symbolique érotique : la chaise renversée (jambes en l’air), le vase et les roses (deux allusions au sexe féminin), le verrou (référence au sexe masculin), et surtout le lit, qui occupe toute la moitié gauche de la composition. Ses formes anthropomorphiques en font l’acteur principal de la scène, et son désordre apparent donne corps à la pulsion sexuelle des personnages.
Ensuite, les interprétations divergent. Pour D. Arasse, Le Verrou  et L’Adoration  sont complémentaires en tant qu’illustration de la force de l’amour et du désir, dans leurs dimensions humaine, spirituelle et physique. Pour J. Thuillier en revanche, les deux tableaux opposent l’amour profane et l’amour sacré, la Faute et la Rédemption : Le Verrou symbolise la tentation d’Eve (la pomme posée sur la table prend alors tout son sens) qui, dans la tradition chrétienne est associée parfois à la Nativité.
Le signe d'une évolution stylistique
Simple scène de genre, dans l’esprit grivois de l’époque Louis XVI, ou tableau d’histoire moralisant ? Le Verrou  bouleverse, intentionnellement, la hiérarchie des genres. Quelque soit le sens qu’on lui prête, le tableau est en rupture avec la production antérieure de Fragonard. Il le peint après 1774 et un second séjour en Italie qui revivifie son inspiration. Après l’échec d’une commande prestigieuse que lui avait refusé la comtesse du Barry, Fragonard souhaite démontrer sa capacité d’adaptation face aux évolutions du goût et à la percée du style néoclassique de Vien (voir Inv 8431) et de Pierre. Dans une composition épurée, il réinterprète l’art hollandais, en particulier celui de Rembrandt, en adoptant une facture plus lisse, faïencée, une palette restreinte, des formes adoucies par l’utilisation du sfumato mais modelées par un puissant clair-obscur, qui confèrent à ses œuvres tardives une gravité et une poésie nouvelles.


Dans la semi-pénombre d’une chambre en désordre, dont tout le faste se résume à un lit trop vaste pourvu d’un somptueux baldaquin rouge, un homme étreint une jeune femme tout en poussant le verrou qui scelle leur isolement. Réalisée à la fin des années 1770 pour un collectionneur réputé et exigeant, le marquis de Véri, cette peinture érotique, apparemment légère, mais affichant une ambition réelle, devait servir de pendant à une Adoration des bergers. Le Verrou, que le souffle de la passion emporte, s’inscrit dans tout un ensemble de représentations amoureuses parfois grivoises, éminemment représentatives de l’esprit de la société française à l’heure où les Lumières vont bientôt vaciller. Elle semble inaugurer également tout un renouvellement de l’inspiration de Fragonard et de la peinture française à l’unisson.


Le Verrou est une scène galante peinte par Jean-Honoré Fragonard en 1777. Il s'agit de l'un des tableaux les plus célèbres du peintre, véritable référence de la peinture du xviiie siècle. L'interprétation commune suggère que la scène représente deux amants enlacés dans une chambre à coucher, l'homme poussant le verrou de la porte.


La toile est conservée au musée du Louvre, au département des Peintures, dans la section consacrée à la peinture française du xviiie siècle, au deuxième étage de l'aile Sully. Elle y côtoie quelques-uns des plus grands chefs-d'œuvre picturaux de la même époque, selon un parcours organisé chronologiquement.


Cette peinture, véritable symbole de l'esprit libertin du xviiie siècle, reflète l'état d'esprit adopté par les peintres de l'époque, notamment celui de François Boucher, l'un des maîtres de Fragonard et grand représentant de la peinture rococo.


L'œuvre a été commandée dans l'année 1773 par Louis-Gabriel Véri-Raionard, marquis de Véri (1722-1785)1. Réalisée pour ce collectionneur réputé et exigeant, cette peinture érotique, apparemment légère mais affirmant une ambition réelle, s’inscrit dans un ensemble de représentations amoureuses, parfois grivoises, et éminemment représentatives de l’esprit de la société française à l’heure où les Lumières vont bientôt vaciller. La toile semble inaugurer un renouvellement profond de l’inspiration de Fragonard qui s'était d'abord illustré dans la peinture d'histoire2, notamment avec Jéroboam sacrifiant aux idoles, premier prix de Rome 1752. L'obtention de cette distinction permet à Fragonard de jouir d'une immense notoriété. Ses scènes galantes sont extrêmement courues et la noblesse lui passe de nombreuses commandes ; à l'instar de celle du baron de Saint-Julien pour Les Hasards heureux de l'escarpolette (1767)3.


Originellement, Fragonard avait donné au Verrou « un pendant plus convenable : Le Contrat4 », lui-même suite d'un autre appelé L'Armoire5. Le tableau, qui appartenait à la collection du marquis de Véri, nous est parvenu grâce à la gravure de Maurice Blot, qui avait, huit ans auparavant, réalisé une gravure du Verrou. Cette estampe, considérée comme médiocre, eut cependant un très grand succès attribuable en bonne partie à la gloire de Fragonard6. Une théorie voudrait d'ailleurs que les deux œuvres que sont Le Contrat et Le Verrou constituent, avec L'Armoire7, autre tableau de Fragonard, les trois chapitres d'un roman dont les héros seraient les deux amants. Le Verrou illustrerait la passion du couple, L'Armoire, la découverte de leur aventure prise en flagrant délit et Le Contrat, leur réconciliation8.


Aujourd'hui, on considère comme seul pendant du Verrou une œuvre d'inspiration plus sacrée, L'Adoration des bergers (1775). Cette toile, également commandée par le marquis, aurait été suggérée par Fragonard lui-même. Elle montre la volonté de Fragonard de renouer avec l'art sacré et permet d'opposer deux sens de l'Amour : l'amour charnel ou libertin, cher au xviiie siècle, et l'amour sacré, religieux9.
Après la mort du marquis de Véri, le tableau figure, sous le no 37, dans sa vente d'après décès le 12 décembre 1785, où il est acheté 3 950 livres par le marchand de tableaux Lebrun10. Le Verrou fait partie de la vente aux enchères de la collection du fermier général Grimod de la Reynière le 3 avril 1792, soit un an avant sa mort sous la guillotine. À cette vacation, elle est de nouveau acquise 3 010 livres par Lebrun11. S'ensuit une longue période où l'on perd la trace du tableau. Il aurait été proposé au musée du Louvre en 1817 par Gabriel d'Arjuzon.


Il entre finalement dans la collection du marquis Achille Raimond de Bailleul12 au château du Rouville à Alizay dans l'Eure. En 1887, la toile reviendra, par héritage, à la fille du marquis : Marie Jeanne de Bailleul (1861-1921) épouse Raimond Houzard de la Potterie. En 1922, Le Verrou est proposé à l'achat au musée du Louvre par l'expert en tableaux Georges Sortais. Il entre finalement en possession de Madame le Pelletier, belle-mère d'une des héritières La Potterie (vraisemblablement la mère13 de Paul Le Pelletier 1886-1965 qui épousa Anne-Marie Houzard de la Potterie14).


Le tableau passe alors de collection en collection. En premier lieu, celle de monsieur André Vincent. À la suite de sa vente aux enchères à Paris, galerie Charpentier, le 26 mai 1933, n° 21, la toile entre dans la collection Lebaron-Cotnareanu. Puis il fait partie de la collection Sportuno Coty15. À la vente aux enchères à Paris, palais Galliéra le 21 mars 1969, n° 166, l'œuvre est acquise par le marchand de tableaux anciens François Heim le 21 mars 1969 pour environ 50 000 francs. Il la revend au musée du Louvre en 197416 pour 5 150 000 de francs, l'œuvre reçoit alors le n° d'inventaire R. F. 1974.217. La majeure partie de la somme provenait d'une subvention exceptionnelle du ministère des Finances, alors dirigé par Valéry Giscard d'Estaing. Celui-ci, devenu candidat à la présidence de la République, n'apprécia pas d'être traité par la presse satirique18 de « Pigeon de la rue de Rivoli », ancienne adresse du ministère des Finances (aile Richelieu du Louvre)19.


L'Adoration des bergers a été offerte au Louvre en 1988 par monsieur et madame Roberto Polo. Les deux œuvres sont ainsi rassemblées, opposant, à nouveau l'amour sacré et l'amour profane, destinée originelle de la paire20.


La cession du Verrou au Louvre fit l’objet d’une importante affaire juridique lorsque les vendeurs précédents découvrirent la véritable identité de l'œuvre et demandèrent la nullité de la vente.


Lorsque Heim acquit Le Verrou aux enchères, il était désigné comme « attribué à Fragonard » : un doute subsistait alors sur l’auteur du tableau. C’est le marchand qui restaura l’œuvre et établit son authenticité, ce qui augmenta considérablement sa valeur et lui permit de le revendre au Louvre21 pour 5 millions de francs. À l’occasion de la cession au Louvre, les héritiers de Jean André Vincent, qui avait vendu le tableau à Heim, apprirent l’authenticité et demandèrent l’annulation de la vente aux enchères pour erreur sur une des qualités substantielles de la chose, la qualité en cause étant l’authenticité de l’œuvre.


Cependant, la première chambre civile de la Cour de cassation, confirmant les décisions des juges du fond, refusa de prononcer cette nullité dans un arrêt célèbre du 24 mars 198722. En effet, elle retint que la mention « attribué à Fragonard » laissait subsister un doute dans l’authenticité du tableau mais ne l’excluait pas. Ce doute, cet aléa quant à l’authenticité, était connu tant par le vendeur que par l’acheteur lors de la vente : ni l’un ni l’autre n’avaient donc commis d’erreur, ils avaient bien acheté un tableau qu’ils savaient être peut-être de Fragonard. De cette jurisprudence la doctrine formula le principe selon lequel « L’aléa chasse l’erreur. »


Une esquisse, provenant de la collection de Monsieur Akram Ojjeh de taille réduite (26 × 32,5 cm) du tableau a été vendue chez Christie's le 17 décembre 1999 pour la somme de 5 281 500 livres sterling, lot no 95, soit environ 8 080 000 euros23.


La toile est de taille (73 × 93 cm). Elle présente un couple enlacé. La femme, vêtue d'une robe de satin doré, semble vouloir s'extirper nonchalamment de l'étreinte de son amant. Ce dernier pousse le loquet éponyme de la porte qui se ferme sur une pièce en grand désordre : le lit défait, une chaise renversée. Plusieurs éléments interpellent le regard et, notamment, une pomme posée dans la lumière du clair-obscur. Le Verrou « raconte moins le désir féminin que la passion qui se joue entre un amant et sa maîtresse dans le secret de l'alcôve16 ». La lumière est posée sur le couple, comme un projecteur, alors que des tentures de baldaquin situé hors champ accentuent encore l'impression d'une scène théâtrale16 ; les étoffes constituent en effet plus de la moitié de la surface peinte totale24.