Le Cercle de la rue Royale

James Tissot

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Mot clé de l'oeuvre: CerclerueRoyale

Présentation générale sur les oeuvres

Le Cercle de la rue Royale
Artiste James Tissot
Date 1868
Type Huile sur toile
Technique Peinture
Dimensions (H × L) 174.5 × 280 cm
Localisation Musée d'Orsay, Paris (France)


Le Cercle de la rue Royale est un tableau du peintre français James Tissot peint en 1868 à Paris. Cette huile sur toile représente douze membres de ce club très fermé créé au début du Second Empire.


Chaque membre du club paya mille francs à l'artiste pour prix de ce tableau qui fut installé dans un des salons du cercle. Il fut décidé qu'il serait attribué par tirage au sort à l'un des commanditaires ou à ses descendants lors de l'éventuelle dissolution du club. Le baron Rodolphe Hottinguer ayant gagné, ce fut sa famille qui récupéra la toile lors de la fusion du Cercle avec celui de l'Union en 1916. En avril 2011, le musée d'Orsay a acquis pour 4 millions d'euros cette œuvre1, classée au titre objet des monuments historiques par décret du 3 septembre 19882 puis trésor national, ce qui a limité dès lors son départ de France.


Créé en 1852, ce club, qui était à l'origine une réunion de quelques amis triés sur le volet, s'était établi rue Le Peletier. Deux ans plus tard, il récupère rue Royale les locaux devenus sans objet du « Nouveau Club » alias le « Moutard Club » qui venait de disparaître du fait de son absorption par le célèbre « Jockey Club ».


Ces mouvements réguliers de création et de disparition durant le xixe siècle marquent par leur fréquence la férocité de la concurrence que se livrent les clubs pour capter les milieux les plus en vue de la haute société parisienne, tout en exprimant parfois certains clivages politiques ou sociaux. Ainsi, en 1866, non sans tension rue Royale, une partie de ses membres projette de se rapprocher du « Cercle Agricole », un des plus sélectifs de la capitale sinon un des « plus aristocratiques ». Si la majorité avalise le projet, la minorité se décide aussitôt à la sécession en conservant sa dénomination ainsi que ses locaux, agrandis quelques années auparavant par l'ajout des appartements libérés par une noble locataire britannique, Lady Holland.


Le Cercle désigne alors comme président Auguste de Gramont, duc de Lesparre, lui-même étant remplacé en 1868, année de la réalisation du tableau de Tissot, par Maurice vicomte Mathieu de la Redorte. Au même moment, est créée en son sein la « Société des Steeple-Chase » qui constitue de fait une sorte de club dans le club, présidé par le prince Murat. Après quelques déboires, notamment du fait de la Commune de Paris qui occupa non sans dommages ses locaux durant la Semaine sanglante, le Cercle de la rue Royale connait un certain succès à la fin du xixe siècle, comptant alors plus de six cents membres issus de la haute bourgeoisie et surtout de la noblesse.


En fusionnant avec le Cercle de l'Union, fondé par le prince de Talleyrand en 1828, il donnera naissance au Nouveau Cercle de l'Union qui existe toujours.


Ce tableau de trois mètres de long sur deux de large, considéré comme l'œuvre majeure de Tissot, met en scène les douze modèles rassemblés dans un portrait de groupe des plus singuliers. Chaque personnage, muré dans une rêverie nonchalante, exprime une élégance assumée, confinant pour certains d’entre eux au dandysme absolu. Le fameux balcon du pavillon Gabriel surplombant la place de la Concorde, actuel hôtel Crillon, ancien hôtel d'Aumont construit sur la rue Royale par l'architecte Trouard, est le décor de cette fascinante mise en scène.


Âgés pour la plupart d'une trentaine d’années, ces personnages sont issus des familles nobles et aristocratiques françaises les plus anciennes mais aussi des milieux nouveaux dont le vigoureux développement économique de la France permet alors l'éclosion. Outre le britannique Vansittart, on relève ainsi la présence de Charles Haas, converti d’origine juive que Proust prendra comme modèle pour Swann dans son roman À la recherche du temps perdu, mais plus encore le baron Rodolphe Hottinguer, héritier de la célèbre grande banque protestante.


Ainsi portraiturés, ces jeunes hommes, fine fleur d'un monde impérial qui vit ses derniers feux quand Tissot l'immortalise, seront aussi, par la puissance de leurs relations comme l’importance de leur fortune, des figures marquantes d'une haute société de la décennie suivante que Proust décrira dans son œuvre.


Ainsi de gauche à droite3 :


le comte Alfred de La Tour-Maubourg (1834-1891)
le marquis Alfred du Lau d'Allemans (1833-1919)
le comte Étienne de Ganay (1833-1903)
Le capitaine Coleraine Vansittart (1833-1886)
le marquis René de Miramon (1835-1882)
le comte Julien de Rochechouart (1828-1897)
le baron Rodolphe Hottinguer (1835-1920)
le marquis Charles-Alexandre de Ganay (1803-1881)
le baron Gaston de Saint-Maurice (1831-1905)
le prince Edmond de Polignac (1834-1901)
le marquis Gaston de Galliffet (1830-1909)
Charles Haas (1833-1902).


« Et pourtant, cher Charles Swann, que j'ai connu quand j'étais encore si jeune et vous près du tombeau, c'est parce que celui que vous deviez considérer comme un petit imbécile a fait de vous le héros d'un de ses romans, qu'on recommence à parler de vous et que peut-être vous vivrez. Si dans le tableau de Tissot représentant le balcon du Cercle de la rue Royale, où vous êtes entre Galliffet, Edmond de Polignac et Saint-Maurice, on parle tant de vous, c'est parce qu'on voit qu'il y a quelques traits de vous dans le personnage de Swann. », À la recherche du temps perdu, Marcel Proust, éd. Gallimard, coll. Pléiade, 1988, t. III, partie La Prisonnière, p. 705.