La vague

William-Adolphe Bouguereau

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Mot clé de l'oeuvre: vague

Présentation générale sur les oeuvres

La vague 
William-Adolphe Bouguereau
46½ x 62 in. (117 x 157.5 cm.) 
1896 
GBP 400,000 - GBP 600,000


La vague parait aujourd’hui étrangement moderne et pourrait presque passer pour un tableau hyperréaliste. Pourtant, la peinture de Bouguereau, qui comportait beaucoup de nus mythologiques, était vilipendée par les plus grands critiques et écrivains. Leur lucidité concernant les innovations artistiques de la fin du 19e siècle, l’impressionnisme en particulier, les empêchait de constater simplement le talent de Bouguereau. Ils ne voyaient que l’académisme haï et les applaudissements des bourgeois.


William Bouguereau, membre de l’Institut, professeur à l’École des Beaux-arts, plaît en effet à la bourgeoisie du 19e siècle. Avec lui, elle peut s’offrir des nus féminins respectables parce que mythologiques et des portraits d’enfants un peu larmoyants. L’esthétique académique, vieille de plusieurs siècles, a conquis tous les esprits. On croit savoir définitivement ce qui est beau. Aussi Bouguereau produit-il beaucoup (plus de 800 toiles) et expose à tous les salons officiels avec succès.


Les intellectuels les plus clairvoyants dans le domaine artistique vont donc se faire un plaisir de moquer ce peintre si apprécié de tous ceux qui se gaussent des impressionnistes. Ainsi, à propos du salon de 1875, Émile Zola considère-t-il les toiles de Bouguereau et Cabanel comme « le triomphe de la propreté en peinture, des tableaux unis comme une glace, dans lesquels les dames peuvent se coiffer ». Octave Mirbeau, fervent défenseur des impressionnistes, suggère un nouveau lieu pour la peinture académique : « Pourquoi n’exposerions-nous pas dans les égouts ? […] On pourrait bien y accrocher du Bouguereau, ce semble. »


Le passage du temps nous permet aujourd’hui de dépasser les outrances de l’époque. Nous pouvons apprécier Monet, Van Gogh, Cézanne, mais aussi Bouguereau.


Une personne qui ne possède pas de culture artistique considèrera spontanément La vague comme l’expression de la beauté et du bonheur. Un tableau aussi remarquable n’a pu être déprécié que par des esthètes cultivés plaçant leur réputation ou leur raison au-dessus de leur émotion et abandonnant ainsi toute spontanéité.


Bien entendu, à la même époque, Van Gogh ne parvenait pas à vendre ses toiles, Monet émergeait de l’ostracisme dont on l’accablait. Bouguereau se place dans l’esthétique de la représentation qui est celle qui domine la peinture occidentale depuis le 15e siècle. Il cherche à peindre une jeune femme comme une photographie couleur pourrait la capter. Il ne s’intéresse pas à l’esthétique de la perception qui avait pris naissance dans le courant du 19e siècle, avant même les impressionnistes. En 1835, Turner peignait ainsi le Grand Canal de Venise de façon nettement pré-impressionniste. Mais il n’y a pas de progrès dans le domaine artistique, sinon un certain progrès technique mis à la disposition des créateurs par la science. Il n’est donc pas choquant de chercher à peindre comme Nicolas Poussin à la fin du 19e siècle. Encore faut-il y parvenir.


Bouguereau, justement, possède à merveille cette technique picturale. Il veut l’utiliser pour nous raconter la beauté et l’émotion. La beauté des femmes, les émotions des visages d’enfants, la grâce des scènes mythologiques et religieuses qui ne pouvaient que toucher le public dans un pays catholique pétri de culture gréco-latine.


La vague est un chef-d’œuvre car l’artiste utilise une technique classique et parfaitement maîtrisée pour composer le portrait d’une jeune femme nue prenant un plaisir sensuel à se baigner dans la mer. Le sujet est provocateur à la fin du 19e siècle. Les bains de mer féminins avaient lieu dans des cabines spécialement aménagées et les baigneuses étaient habillées. Un tel tableau constitue donc pour le bourgeois de l’époque une œuvre particulièrement érotique.
 
Mais le plus important est ailleurs : la belle est heureuse et nous transmet son bonheur par le regard. La célébrité du tableau n’a pas d’autre explication : le spectateur est immédiatement séduit par cette femme dont la sensualité invite au bonheur de vivre. Le caractère ludique de la baignade constitue une autre invitation. En combinant habilement sensualité, émotion et jeu, Bouguereau dépasse la simple représentation d’une jeune femme et transmet à l’observateur une émotion forte et complexe. L’aspect académique vient de la touche parfaitement lissée, des contours apparents, du cadrage minutieux. Bouguereau travaillait comme les anciens en commençant par des études sur papier. Voici une esquisse de La vague dans laquelle la posture définitive du modèle a été trouvée mais pas encore la coiffure :


Une telle composition est l’exact opposé de ce que recherchaient les artistes novateurs de l’époque. Aujourd’hui, nous pouvons l’accepter sans arrière-pensées avant-gardistes et profiter simplement de la beauté vue par un grand artiste du passé.


La qualité de l’œuvre n’a pas échappé au monde de la production et du commerce. La marque Zazzle a ainsi créé une collection de tee-shirts La vague.